Le critique de la NRF

  De mars 1957 à octobre 1958, Forton publia des articles critiques dans la prestigieuse Nouvelle Revue Française (rebaptisée La Nouvelle Nouvelle Revue française entre 1953 et 1959), d’« excellentes notes de lecture » pour lesquelles il fut félicité par Marcel Arland, co-directeur de la NRF.

 

 

  La plupart de ces articles ont paru dans la rubrique intitulée « De tout un peu » et occupent en général une dizaine de lignes.

  Seuls, trois articles d’une page environ ont paru dans la rubrique « Le Roman » de la revue : un consacré à De Mer et d’Amour de Jean Goudal (Gallimard, novembre 57), un autre à Dans la Vallée du Chemin de Fer d’André Dhôtel (Pierre Horay, mars 58), et un dernier à Artémis de Dominique Rolin (Denoël, juillet 58).

 

  Sur les 45 œuvres chroniquées par Forton, bien peu sont restées dans les mémoires et dans les catalogues des éditeurs. On y voit l’auteur sensible à ce qui le caractérise, finalement, aux yeux des autres critiques, ce qui montre une parfaite cohérence entre son écriture et son idéal esthétique.

 

Il est sensible :

 

  • à l’art qui transfigure le réel parce que l’artiste doit rêver ce qu’il vit pour l’écrire. Par exemple, dans Le Premier Spectateur de Michel Cournot (Gallimard), qui raconte l’histoire d’un tournage de Clouzot, il apprécie que l’auteur ait réussi à faire oublier que ses personnages existaient vraiment.

     

  • à « l’émotion sans faiblesse » de Chardonne dans L’Amour, c’est beaucoup plus que l’Amour (Albin Michel)

     

  • à la pudeur

     

  • à la « tendresse »

     

  • au grinçant et à la cruauté

     

  • à l’« envoûtement » d’un récit (mot qui revient souvent)

     

  • au décor, aux atmosphères et aux paysages qui peuvent compenser la faiblesse d’une narration

     

  • aux histoires qui ont pour personnages des enfants ou des adolescents

 

  Il aime qu’un récit ait du mouvement et soit dense. Il accorde de l’importance au style, qui ne doit être ni relâché ni banal, et il est sensible aux clichés. Ce qu’éprouve le lecteur (ennui, émotion, émerveillement) est également décisif, à ses yeux.

 

  Enfin, pour lui, il faut qu’une nouvelle ait une chute. Il regrette qu’elle fasse défaut aux Nouvelles romaines d’Alberto Moravia (Flammarion), qu’il trouve, par ailleurs, « excellentes ».

 

  D’une œuvre qu’il a particulièrement aimée, Les Enfants du Marais de Georges Montforez, et qui a donné lieu à un film non moins poétique et émouvant (de Jean Becker, 1999, avec Jacques Villeret et Jacques Gamblin dans les rôles principaux), voici ce qu’il écrit :

 

« On aimerait que ce livre trouvât des lecteurs, qu’il émergeât de la masse gluante des romans mort-nés. Mais c’est peut-être trop demander. Il y a, dans ce livre, une fraîcheur, une douceur bienfaisantes qui sont un peu passées de mode. Ceci n’est pas à notre gloire. »

 

 

Les œuvres qu’il a aimées :

 

  • Yododo d’Armand Lanoux (Fayard)
  • Le Secret de Luc d’Ignazio Silone (Grasset)
  • De Mer et d’Amour de Jean Goudal (Gallimard)
  • Les Enfants du Marais de Georges Montforez (Gallimard)
  • Le Premier Spectateur de Michel Cournot (Gallimard)
  • Les Aveux romanesques de Milorad (Robert Laffont)
  • L’Homme au Papier bleu de Jean Canolle (Julliard)
  • Une Fille de Tel-Aviv d’Henri Amouroux (Del Duca)
  • Des Hommes et des Femmes d’Ivy Compton-Burnett (Gallimard)
  • Du Flouze de Jean Escande (Le Seuil)

 

 

Liste des œuvres chroniquées (les + et les indiquent les appréciations positives et négatives de Forton) :

 

Mars 1957 :

  • La Sensitive de Michèle Perrein (Julliard) – –

 

Avril 1957 :

  • Trop c’est trop de Blaise Cendrars (Denoël) + –
  • La Grande Ceinture de René Fallet (Denoël) + +

 

Mai 1957 :

  • L’Amour, c’est beaucoup plus que l’Amour de Jacques Chardonne (Albin Michel) + +
  • Les Rochers de Kilmarnoch de Willy de Spens (Plon) – –

 

Juin 1957 :

  • Comme une épée de Catherine Bussières (Julliard) – +
  • Nouvelles romaines d’Alberto Moravia (Flammarion) + + –
  • Lézard de Jean-Claude Carrière (Robert Laffont) – – +
  • Le Secret merveilleux de Germaine Théron (Gallimard) – + +
  • Les Enfants qui s’aiment de Claire France (Flammarion) – – –
  • La Flamme de John Steinbeck (Del Duca) + –

 

Octobre 1957 :

  • Yododo d’Armand Lanoux (Fayard) + + +
  • Une Fille pour l’Été de Maurice Clavel (Julliard) – +
  • Le Temps de notre Vie de Véronique Blaise (Gallimard) + –
  • La Polonaise de Stanislas d’Otremont (Julliard) – –
  • Le Secret de Luc d’Ignazio Silone (Grasset) + + +

 

Novembre 1957 :

  • De Mer et d’Amour de Jean Goudal (Gallimard) + + +

 

Décembre 1957 :

  • Le Carrefour des solitudes de Christian Mégret (Julliard) + +
  • La Chambre secrète de Raymonde Temkine (Pierre Horay) + – (le roman fut aussi critiqué par Denis Périer dans la NRF de mars 1958, de manière très positive, comme pour rattraper l’éreintement de Forton)

 

Janvier 1958 :

  • Le Premier Spectateur de Michel Cournot (Gallimard) + + +
  • Les Aveux romanesques de Milorad (Robert Laffont) + + +
  • Les Larmes de Marcel Mouloudji (Gallimard) +

 

Février 1958 :

  • L’Homme au Papier bleu de Jean Canolle (Julliard) + + +
  • Les Iles désertes de Max Aldebert (Gallimard) – – +
  • La Fontaine des Innocents de Jean Guirec (Albin Michel) – +
  • Nouvelles n° 2, collection dirigée par Françoise Mallet-Joris (Julliard) – – –

 

Mars 1958 :

  • Une Fille de Tel-Aviv d’Henri Amouroux (Del Duca) + + +
  • Dans la Vallée du Chemin de Fer d’André Dhôtel (Pierre Horay) – + +

 

Avril 1958 :

  • Retour à Sorrente de Noël Calef (Fayard) – + +
  • Des Hommes et des Femmes d’Ivy Compton-Burnett (Gallimard) + + +

 

Mai 1958 :

  • Du Flouze de Jean Escande (Le Seuil) + + +
  • Mémoire cruelle de Louis de Monicault (Julliard) + –
  • Le Complot de François Clément (Robert Laffont) – + +
  • La Fosse aux Cafards d’Adrien Ferck (Julliard) + –

 

Juin 1958 :

  • Couche-toi sans pudeur d’Henri Rode (Corrêa) + –
  • Le Bien du Prochain de Pascal Pieta-Ghitte (Corrêa) + + –
  • Le Prix du Souvenir de Jean-Marie Poirier (Robert Laffont) – +

 

Juillet 1958 :

  • Artémis de Dominique Rolin (Denoël) + + –

 

Août 1958 :

  • Les Ténèbres du Dehors de Maurice Desselle (Julliard) – + +
  • Le Plein Été de Jacques Peuchmaurd (Laffont) + +
  • La Terre du Barbare de Jean Hougron (Del Duca) – –
  • Histoires anciennes de Christian Mégret (Julliard) – –

 

Septembre 1958 :

  • L’Outrage de Paul Tillard (Julliard) – + +

 

Octobre 1958 :

  • Les Enfants du Marais de Georges Montforez (Gallimard) + + +
  • L’Escurial et l’Amour de Marcel Schneider (Albin Michel) +